AUX PLATANES

Arbres géants qui vous déployez dans l’espace,
Cantique végétal de la force en essor,
De vos grands bras levés vous figurez l’effort
Vigoureux et têtu de notre ardente race !

Platanes glorieux, sous vos rameaux sculptés
On entend s’exhaler de lointaines musiques.
Vos fûts sont les piliers des grandes basiliques
D’où s’élancent des chants vers l’azur exaltés !

Silencieusement poursuivant votre tâche,
Vous montez, toujours droit, jusqu’au bout du destin,
Sachant à votre obscur vouloir un but certain
Et qu’au sol qui vous fit germer tout vous rattache.

Vous dictez à l’esprit l’exemple de splendeur
Et l’amour vigilant de la terre natale,
Et vos branches ont la langueur orientale
Cependant  que vos troncs témoignent la vigueur.

  À l’heure où notre cœur se fermait à la vie,
C’est en vous qu’il puisa, sources de volonté,
La force de grandir en pleine vérité
Et de s’épanouir au cœur de l’harmonie.

Dans votre ombre ont passé nos aïeux et leur voix
Persiste encore en vous, lointaine et balancée.
Sur la chanson du vent où glisse leur pensée
Nous écoutons, le soir, leurs propos d’autrefois.

Montez vers le soleil ! Que vos branches tendues,
Nerveusement, comme des bras exacerbés,
Disent tous les espoirs que nous avons rêvés,
Immobilisent notre orgueil dans l’étendue !

Frédéric SAISSET
In : Perpignan illustré,1912