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Frédéric Saisset
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LE DOUBLE CRIME

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Un murmure uniforme et sourd montait, pareil à celui des grands fleuves. Bientôt la « Promenade des Platanes », aux arbres géants et centenaires, où les forains avaient dressé leurs baraques, put à peine contenir la foule grouillante. Au chant des orgues rauques se mêlaient le grincement des tourniquets, les sirènes des manèges à vapeur, les roulements de tambour, les appels des lutteurs, les boniments des montreurs de « phénomènes ». Des enfants gonflaient des ballons en baudruche qui se dégonflaient avec des cris de mioche qui pleure. Les pantalons garance des soldats jetaient leur note criarde dans le concert bariolé des toilettes. Ici et là s’espaçaient les points blancs des coiffes catalanes.

Sur des tréteaux de fortune les marchands de limonade présentaient en bataille rangée leurs verres multicolores, emplis d’un liquide jaunâtre. Par intervalles et par-dessus cette cohue humaine, on entendait, balancées un instant dans l’air, les notes claires du carillon de Saint-Jean dont le clocher dessinait sa silhouette carrée et trapue. La haute tour avec sa cage de fer ajourée protégeant les cloches et surmontée de son coq, semblait dominer la fête.

Richard et Janotte se sentaient comme étourdis dans ce vacarme forain...

Frédéric SAISSET, H. DUPUY-MAZUEL
In : Le Double crime (Paris, F. Juven, 1910)

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Frédéric Saisset

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