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Albert Bausil
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HYMNE AUX PLATANES

Nous te louons, ô nef frémissante et sonore
Que l’hymne seul des tramontanes peut emplir,
Qu’un centième printemps sut rajeunir encore
Et que tant d’avrils et d’aurores
Ne sont pas lassés de vêtir !

Je te vois tour à tour, droite sur tes colonnes,
Te dresser triste et nue en l’hivernal décor,
Te parer de rameaux quand l’été te couronne
Et quand se meurent les automnes
Laisser tomber ta robe d’or…

Lorsqu’à la Saint-Martin ta clameur nous appelle
Tu regardes venir, rieuses dans le soir,
Tes minyonas, qui sous leurs coiffes de dentelle
Pour mirer ta splendeur nouvelle
Ouvrent des yeux de diamant noir.

Le carnaval fleuri fait passer sous tes branches
Les chars enguirlandés de mimosa vermeil
Et l’été, tu revois quand viennent les dimanches,
Le cortège des robes blanches
Parmi les rires du soleil.

Pour l’accueil infini des foules catalanes
Dans des flots de lumière et des clameurs de vent,
Sous le ciel aveuglant et sous la tramontane,
Tu dresses avec tes platanes
Un arc de triomphe vivant !

Mes vers dictés par toi, bercés par tes murmures,
N’ont fait que répéter tout ce que tu m’as dit,
J’ai cherché dans tes voix la voix de la Nature,
C’est à l’ombre de tes ramures
Que tous mes rêves ont grandi.

C’est toi qui te prêtas aux jeux de mon enfance.
Quel de tes fûts mes bras n’ont-ils pas enlacé !
Tes concerts ont charmé mes jeudis de vacance
Et quand je pense à toi, je pense
Au plus joli de mon passé !

Plus tard, quand je venais, éphèbe doux et pâle,
Avec le livre ami m’asseoir sur le banc vert,
Tes branches, où le jour passait par intervalle,
Mettaient des ombres amicales
Sur la blancheur du livre ouvert.


     C’est toi qui m’as prêté tes soirs mauves et tendres,
Tes soirs déserts et languissants de rendez-vous
Quand je venais à l’heure où la nuit va descendre
Au fond de ton allée attendre
La petite amie aux yeux doux…

Gloire à toi ! Le ciel bleu te caresse et te baise,
Ton peuple te vénère à l’égal d’un berceau,
Puisque c’est, au frisson joyeux que rien n’apaise,
Toute l’âme perpignanaise
Que tu berces sous tes arceaux !

Albert BAUSIL
In : Le Cri catalan, 4 juin 1910

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Albert Bausil

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